L’Inconvénient d’être né? – exploration photographique de la pensée de Cioran
Du 4 avril au 27 mai, Paris 2011
« Être en vie – tout à coup je suis frappé par l’étrangeté de cette expression, comme si elle ne s’appliquait à personne. »
Emil Cioran… On le nomma styliste du désespoir, aristocrate du doute, dandy métaphysique… Disparu à Paris en 1995, Emil Cioran, philosophe roumain d’expression roumaine et française, aurait eu cent ans le 8 avril 2011. Après avoir vécu en Roumanie jusqu’à l’âge de 26 ans, il s’installe en France en 1937. Suite à l’interdiction de ses oeuvres par le régime communiste il abandonne sa langue maternelle en 1947, et écrit en français. Proche d’Eugène Ionesco, Mircea Eliade, Samuel Beckett, Henri Michaux ou Gabriel Marcel, sa philosophie a été inspirée par Nietzsche, Schopenhauer ou encore Kierkegaard. Emil Cioran a marqué à jamais la pensée européenne.
Parmi les événements dédiés à son centenaire, l’exposition « L’Inconvénient d’être né? » propose une exploration photographique de la pensée de Cioran, en partant de son livre « De l’inconvénient d’être né »*, paru chez Gallimard en 1987, qu’on peut considérer comme un échantillon représentatif de son esprit et de ses propos. Cinq photographes, Andrei Contiu, Gyuri Ilinca, Francisc Mraz, Silviu Pavel et Raul Tanislav, de l’Ecole de Poétique Photographique ont choisi de ce livre les phrases qui les ont inspirés pour créer des images montrant leurs propres ressentis des pensées de Cioran.
« Nous connaissons Cioran surtout pour sa fierté d’être « le dernier homme lucide », pour celui qui disait que tout cela ne servait à rien et que la seule façon de pouvoir vivre c’est de savoir que nous avons la liberté du suicide… Mais Cioran était surtout un grand écrivain, un maître de la stylistique, un artisan de la forme exquise… Il utilisait sa négativité comme une délivrance, et à travers ses négations se lève la jouissance de l’optimisme insinué.
C’est pour cela que transformer ses pensées en images est un défi riche et plein de possibilités, défi que l’Ecole de Poétique Photographique a été prête à relever. Plusieurs degrés sont là, de l’interprétation littéralement la plus proche jusqu’à l’opposition complète de l’image au texte, dans un processus d’acceptation, refus ou tout simplement d’investigation de ses propos. »
Katia Danila, commissaire général des expositions
« Le livre « De l’inconvénient d’être né » d’Emil Cioran est en lui-même le summum de la provocation. Chaque chapitre contient des dizaines d’idées, chaque phrase aussi, et toutes avec leur propre corps prêt à être disséqué. Le corps de Cioran, à travers ses écrits, se trouve le plus souvent dans différentes phases de décomposition, le plus souvent laid, parfois encore plus laid et à la fin, comme par miracle, il devient attirant et immédiatement beau.
La même chose arrive à son esprit, il ne devient beau qu’à la fin. En prenant de la distance, quand on peut l’apercevoir en intégralité, son esprit est peut-être comme un diamant trop grand, luisant trois fois plus que la perfection, qui est tellement en mouvement, en cherchant les angles adverses, qu’il se brise en mille petits diamants, suffisamment petits pour qu’on puisse les croire à notre taille. Mais ils restent des diamants, froidement parfaits.
C’est cela le ressenti du livre de Cioran que les cinq photographes transforment en photographies. Il les mène à ré imaginer les espaces et les sujets visuels de leur passé, en tentant le raccord avec les phrases qui les font vibrer. Encore plus, ils cherchent les étincelles de Cioran dans leur présent visuel, et ils en trouvent partout. Par similitudes ou oppositions, leurs images « respirent » l’esprit de Cioran.
Les 35 photographies sont associées à chaque fois à des citations de Cioran et créent une ambiance complexe, avec des images incitantes, interrogatives, parfois angoissantes, à l’image de ce grand philosophe du désespoir. »
Francisc Mraz, commissaire d’exposition
Andrei Contiu
« La pensée de la précarité m’accompagne en toute occasion: en mettant, ce matin, une lettre à la poste, je me disais qu’elle s’adressait à un mortel… »*
Andrei Contiu, 2010
Andrei Contiu, 2010
« Je vois mes images comme des moments de joie surpris par l’oeil et par l’âme sur le chemin souvent difficile de la recherche de la beauté »
Né à Bucarest en 1970, Andrei Conţiu est professeur associé à l’Ecole de Poétique Photographique depuis 2009. Depuis 2005, quand il a commencé son activité photographique, il a eu neuf expositions et il a gagné plusieurs prix en Roumanie. Il a une importante activité pédagogique dans le domaine de la technique photographique.
« Ce sont nos malaises qui suscitent, qui créent la conscience; leur oeuvre une fois accomplie, ils s’affaiblissent et disparaissent l’un après l’autre. La conscience, elle, demeure et leur survit, sans se rappeler ce qu’elle leur doit, sans même l’avoir jamais su. Aussi ne cesse-t-elle de proclamer son autonomie, sa souveraineté, lors même qu’elle se déteste et qu’elle voudrait s’anéantir. »*
Gyuri Ilinca
« Je cherche à surprendre la beauté, surtout là où la plupart de gens restent fixés sur la laideur »
Gyuri Ilinca, né en 1959 à Budapest, Hongrie, est professeur universitaire et chef de la chair de Minéralogie à la Faculté de Géographie et Géophysique à l’Université de Bucarest. Liée à sa profession de base, il a une expérience de 25 ans dans la photographie documentaire. Il a participé à de nombreux cours de perfectionnement dans la technique photographique et est actuellement professeur associé à l’Ecole de Poétique Photographique. Il a participé à 10 expositions collectives et a reçu plusieurs fois des prix de la revue Photomagazine.
Francisc Mraz
« Une seule chose importe : apprendre à être perdant »*
Tout phénomène est une version dégradée d’un autre phénomène plus vaste : le temps, une tare de l’éternité; l’histoire, une tare du temps; la vie, tare encore, de la matière. Qu’est-ce qui est alors normal, qu’est-ce qui est sain? L’éternité? Elle-même n’est qu’une infirmité de Dieu. »*
“Parmi les difficultés de la vie je cherche la beauté et j’ai souvent l’illusion de la trouver…”
Francisc Mraz, né en 1951 à Bucarest, est licencié en Image Film et Télévision de l’Institut de Théâtre et Film de Bucarest. Il a une grande expérience en tant que chef opérateur sur plus de 100 films, court-métrages et documentaires. Il a été membre du jury dans plusieurs festivals de film en Roumanie, coordonné plusieurs stages de photographie et a une importante activité d’enseignant de la technique photographique. Il est le créateur de l’Ecole de Poétique Photographique.
Silviu Pavel
« A-t-on le droit de se fâcher contre quelqu’un qui vous traite de monstre? Le monstre est seul par définition, et la solitude, même celle de l’infamie, suppose quelque chose de positif, une élection un peu spéciale, mais élection, indéniablement. » *
« Les émotions voyagent plus vite que l’esprit rationnel et je crois que c’est pour cela qu’une image doit être d’abord ressentie, avant d’être comprise. J’aime les images qui ne sont pas trop spectaculaires, qui intriguent avec leur neutralité et où l’on ne peut pas décrire une certaine émotion parce-qu’on ressent un mélange d’émotions; l’équilibre entre le positif et le négatif est tellement fragile… »
Né en 1980 à Bucarest, Roumanie, Silviu Pavel a commencé à étudier la photographie en 2005 dans plusieurs écoles, dont l’Ecole de Poétique Photographique où il suit actuellement un Mastère. En 2009 il a participé au festival de film de Rio en tant que photographe de Nisimazine (le réseau du cinéma européen jeune). La même année il a gagné le premier prix de MEDIP (Media Engagement in Development Issues and Promotion) dans le cadre de la compétition de photojournalisme “Transnational Photographic Exhibition” (Bruxelles, Belgique). En 2010 il a été finaliste de la compétition de photographie Winephoto en Italie.
Ses photographies on été publiées dans plusieurs magazines en ligne: Verve, Camera Obscura, nSphere , 591Photography , Nisimazine.
Raul Tanislav
« La mort n’est pas tout à fait inutile. C’est quand même grâce à elle qu’il nous sera donné peut-être de recouvrer l’espace d’avant la naissance, notre seul espace… »*
« Toutes mes émotions sont libérées quand j’appuie sur le déclencheur de mon appareil photographique. Je deviens le créateur et habitant d’un monde nouveau, tel qu’il est vu par ma lentille. »
Un « amateur professionnel », Raul Tanislav, 36 ans, a perfectionné sa technique à l’Ecole de Poétique Photographique, classe de 2010. Ses photographies ont fait partie de l’exposition collective « Lisbonne 2010 » exposée en 2011 à l’Institut Culturel Roumain de Lisbonne.
Un « amateur professionnel », Raul Tanislav, 36 ans, a perfectionné sa technique à l’Ecole de Poétique Photographique, classe de 2010. Ses photographies ont fait partie de l’exposition collective « Lisbonne 2010 » exposée en 2011 à l’Institut Culturel Roumain de Lisbonne.
* Emil Cioran, « De l’inconvénient d’être né », Editions Gallimard, 1987
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